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Libres Paroles sur le sens des mots

Ici vous pouvez exprimer votre opinion, votre analyse, votre ressenti, délivrer votre regard, formuler vos réflexions,... et accueillir la parole de l'autre. Il s'agit d'un espace citoyen, ouvert. Pour transmettre votre    merci de préciser s'il s'agit d'une "réponse à" ou d'un "texte nouveau".

 

29.01.05 - Antisémitisme... Certains Sémites sont des Arabes islamistes, il s'agit d'une malhonnêteté. ----------- Définitions Larousse : "Antisémite" : hostile aux Juifs. "anti-" : préfixe indiquant l'hostilité, l'opposition ou la défense (contre). "Sémite" : personne appartenant au groupe ethnique et linguistique auquel on attribue Sem comme ancêtre. Le mot "antisémite" est donc un détournement du sens de "anti-sémite" au profit d'une seule et unique ethnie. Compte tenu de la haine qui oppose deux catégories de Sémites, la discrimination est flagrante et constitue une forme de racisme (voulu ou non par ceux qui utilisent le mot). (Concernant le chef de l'État, ses discours étant étudiés à la virgule près, chaque mot pesé, qu'on ne vienne pas me dire que c'est fait innocemment.) Il semble que la mémoire soit sensible à la puissance actuelle des lobbies correspondants. Commémorations..... Il faut se rappeler de TOUTES les victimes de la déviance humaine, et il faut surtout dénoncer ce qui va inévitablement en provoquer de nouvelles, par exemple le mercantilisme, l'avidité de pouvoir et de richesses, et la xénophobie, le racisme.

La commémoration du génocide des 11, 12...? millions d'Indiens, c'est quand, dites, c'est quand ????  Déf. Larousse : "mercantilisme" : Penchant à rapporter tout au gain. / Hist. Doctrine économique élaborée au XVIe et au XVIIe siècle à la suite de la découverte, en Amérique, des mines d'or et d'argent; selon laquelle les métaux précieux constituent la richesse essentielle des États, et qui préconise une politique protectionniste.   "On" pille toutes les richesses de la planète et "on" s'enferme sur son confort en se séparant des pillés inexploitables, au besoin à l'aide d'armes et de murs, les laissant crever dans le dénuement physique et moral le plus total. Ceux qui cultivent le mercantilisme commettent un crime contre l'humanité. L'histoire est faite de strates noires et blanches, les victimes d'hier sont les bourreaux de demain. C'est nettement visible en Afrique parce que les cycles y sont plus courts. (Guerres inter-ethniques.)

A propos des Juifs, il faut rester objectif, il y a "Juifs" et "Juifs": les fondamentalistes et ceux qui le sont de naissance (même si les premiers le sont aussi). Selon les Écritures, Jésus Christ aurait vigoureusement chassé les marchands juifs de sont temple, disant qu'il ne voulait pas que ça devienne un repaire de brigands. Concernant les intégristes de la doctrine, voici mon point de vu : - Que les Juifs pratiquent la religion qu’ils ont choisie (librement ou pas), c’est tout à fait leur droit. - Que des communautés (religieuses ou non) perpétuent des modes de vie nuisant aux tiers et générateurs de conflits, des comportements altéricides visant à s’enrichir aux dépends des autres et au mépris de la vie de tous ceux qui ne sont pas des leurs, ça c’est une calamité qui doit être combattue énergiquement. (Ce qui n’est absolument pas fait à l’heure actuelle, bien au contraire.) C'est ce genre de comportements qui est à l'origine du génocide des Indiens d'Amérique..... et de tant d'autres. Le "mercantilisme" a encore de beaux jours devant lui, tout est fait pour cela, pas de quoi être optimiste. Alain Vialette

22.09.03 - Peuple sans culture: plus dure sera la chute... chute... chut... Je vous soutiens à fonds dans votre dénonciation sur les vils actes états-uniens à travers le monde. Depuis la seconde agression impérialiste envers l'Irak, je boycotte systématiquement ce qui peut mettre à contribution l'économie d'outre-atlantique (et depuis que je lis "LMonde diplomatique"). Et j'attends avec impatience la chute vertigineuse de ce pseudo-empire (ils n'ont pas le prestige de Rome ni d'aucune autre véritable empire ayant certes colonisé, mais aussi institué une véritable culture). A bas la vermine yankee ! Réjouissons-nous du bourbier irakien et souhaitons qu'ils s'y empêtrent de plus en plus ! Leurs noirs desseins sont les mêmes, quelle que soit l'administration en place dans ce pays de sous-culturés, ne l'oublions pas. Si je peux contribuer à votre combat, ce serait très volontiers ! Eric.

 

24.04.03 - Une guerre innommable.  Y a-t-il une guerre en Irak ? Par Michel Gilquin. Médias et politiciens évitent d’utiliser le mot « guerre » concernant le déferlement des troupes anglo-américaines et de leurs auxiliaires australiens entre Tigre et Euphrate. « Intervention », « crise », « opération(s) », « conflit », voire « évènements », forment le champ sémantique de ceux qui s’efforcent de forger l’opinion publique. Le mot « guerre », à la connotation négative et terrible est, la plupart du temps, absent de leur vocabulaire. Ainsi, il y a en effet belle lurette que les pays occidentaux ont rayé ce mot de leur langage « démocratiquement correct » : les Ministères de la Guerre ont fait place à ceux de la Défense. Même les militaires sionistes envahissant Gaza s’appellent « Forces de Défense » !!! Par « délicate » dérive des mots, l’attaque est subtilement présentée comme une défense, de surcroît imposée par celui désigné comme « l’ennemi ».

On ne s’étonnera donc guère du maniement fort exceptionnel du terme « guerre » dans l’approche de l’agression de la Maison Blanche contre l’Irak. Pourquoi cette « omission » systématique ? Par delà la complaisance évidente –dans ce cas, complaisance et complicité sont presque synonymes- face à une invasion que rien ne justifie, ni en termes de menaces réelles de la part de l’Irak, -pardon, le « médiatiquement correct » impose de dire « du régime tyrannique irakien » (en confondant allègrement dictature et tyrannie –voir le témoignage de Paul Balta dans un précédent article sur Oumma.com-)-, ni du point de vue de la légalité internationale, ni même au nom d’une compassion soudaine, suspecte et intéressée pour les victimes bien réelles du régime en place qui justifierait le droit d’ingérence chers aux nouveaux adeptes de la politique de la canonnière pour « civiliser » les peuples obscurantistes, intégristes et fanatiques (bref, ceux que, il y soixante ans, d’aucuns désignaient comme des untermenschen) et leur apporter/imposer la démocratie (des cimetières ?), se trouvent être posées plusieurs questions épistémologiques autour de la notion de guerre.

Ce déni de nommer guerre l’agression dont est victime le peuple irakien dans ses composantes ethniques et confessionnelles multiples (pourquoi ne parle-t-on jamais des Turcomans[1] ?) ne relève pas de ce que l’on pourrait concevoir comme une  pudeur légitime   face à l’horreur. C’est, bien au contraire, un acte d’agression en soi, dans le registre sémantique, puisqu’il s’agit de nier la barbarie lorsqu’elle est le fait des forces « civilisées » qui cherchent à dominer le monde ; celles-ci ne tuent pas des civils, c’est bien connu, mais ne peuvent que déplorer les « dommages collatéraux » (qui ont pour réalité des enfants disloqués par des missiles « intelligents »). La technologie du massacre est alors assimilée à de la chirurgie, puisqu’il s’agit bien de « traiter », de « soigner » une déviance, une maladie insupportable, baptisée, selon les lieux, d’intégrisme, de stalinisme, d’islamisme (autant de mots-valises de stigmatisation sans appel et sans interrogation de leurs causes endogènes), celle qui consiste à résister à la « normalité » du système global néo-libéral dominé par les vampires anonymes des grands trusts des Etats-Unis (qu’il ne faut pas confondre avec le peuple américain). Orthopédie mondialisée et peu importe si le patient doit y laisser sa peau…

Pas de guerre donc ; autrefois, du côté des Aurès, on appelait cela pacification et il fallut plus de trente ans pour que les autorités françaises acceptent de lui donner son nom véritable : « guerre d’Algérie ».

Par contre, avez-vous noté que les méga-attentats du 11 septembre à New York et Washington furent aussitôt qualifiés d’ actes de guerre par l’administration de Georges Bush ? Sans jamais nous dire les buts politiques de cette « guerre », aussitôt imputée à l’ancien agent de la CIA Ben Laden, puis à l’Afghanistan, puis à l’Irak, puis…, ce qui ouvre la voie à de nombreuses spéculations[2]

Cette dissonance quant au choix des mots, cette démarche sélective pour nommer, c’est à dire identifier, est révélatrice et induit quelques questionnements que je voudrais livrer ici.

Car qu’est-ce que la guerre ? Alors que depuis les premiers stratèges dans l’histoire de l’humanité, la guerre a toujours été considérée comme la poursuite de la politique par d’autres moyens, c’est-à-dire par la violence et la coercition, aujourd’hui, la plupart des experts occidentaux en polémologie voudraient nous faire croire que nous sommes entrés dans une ère où les conflits seraient asymétriques, et qui, de ce fait, ne mériteraient pas d’être rangés dans le registre des guerres. Les puissances « démocratiques » ne pourraient être, intrinsèquement, belliqueuses. Seulement des gardiens (suréquipés) de la paix. En conséquence, le respect dû aux combattants adversaires n’aurait plus lieu d’être et les conventions de Genève … éventuellement solubles dans les moiteurs de Guantanamo. L’analyse sur le caractère prétendument novateur des conflits suppose alors l’élaboration de nouveaux paradigmes : s’il n’y a plus guerre, alors les lois de la guerre ne s’imposent-elles plus. Le combattant adverse n’est plus un combattant, mais un « terroriste » : la violence qu’il utilise n’est plus considérée comme un moyen à poursuivre un objectif politique, mais comme une fin en soi.

Pour souscrire à une telle logique, ces spécialistes, ou prétendus tels, clôturent leur approche des faits conflictuels dans le strict domaine militaire. A entendre leurs analyses, les guerres de jadis n’opposaient que des armées entre elles et les pertes civiles étaient très faibles par rapport aux pertes militaires. Le conflit guerrier était donc un rituel en quelque sorte, avec ses lois, ses règles, ses tactiques et l’affrontement de technologie, celle-ci incluant l’organisation et la logistique des troupes. C’était le temps de la « guerre fraîche et joyeuse », où les paysans sous l’uniforme crevaient pour les appétits territoriaux et de pouvoir de leurs seigneurs et rois. La guerre était alors, nous disent-ils, affaire de guerriers, de militaires. Les civils étaient hors jeu. Cela aurait duré jusqu’à la première guerre mondiale où, selon leurs calculs, la proportion de militaires et de civils tués aurait été de 80 à 20 respectivement, voire inférieure. Aujourd’hui, cette proportion serait inversée dans la plupart des conflits. Le temps béni des guerres « propres », menées avec panache, aurait fait place à l’inéluctabilité de guerres « sales », dont il conviendrait d’atténuer les effets sur le moral des belligérants par l’instillation d’un maximum de technologie sophistiquée afin de réduire les « bavures », puis suivies de pansements humanitaires permettant d’écouler les surplus agricoles.

Tel est le credo de nos « experts ». A y regarder de plus près, ce dogme d’une approche « militariste » de la guerre ne tient pas. D’une part, il évacue dans la comptabilité macabre des conflits passés tous les effets indirects sur les populations civiles : famines, épidémies, déstructuration sociale générant des tensions parfois meurtrières… etc. Mais surtout il s’inscrit dans une optique principalement confinée à l’Europe, ou, à tout le moins, aux conflits opposant, entre elles, des autorités constituées, censées représenter leurs populations.

Cette vision, où le peuple ne constitue pas un paramètre méritant intérêt, occulte totalement les guerres que nous pouvons génériquement désigner comme coloniales. Celles-ci n’ont jamais été réductibles à l’affrontement entre des armées. Depuis la conquête des Amériques, ce sont bien les populations civiles qui furent toujours la cible et qui furent détruites par l’expansionnisme européen. Mais qui parle jamais des guerres d’extermination des Amérindiens par les soldats bleus yankees ? Ainsi, l’histoire de la guerre, pour les États-Unis, c’est la guerre de Sécession, puis les guerres qui les ont opposés à diverses puissances européennes ou asiatiques (Espagne, Allemagne, Japon). En Europe, les conflits internes au continent figurent seuls dans les livres d’Histoire. La comptabilité des victimes de la guerre nous fournit des données sur les morts, sur « nos » morts, généralement militaires qui sont gravés sur les monuments. Mais jamais sur ceux infligés par les guerres contre les peuples désarmés ! Celles-ci, ces guerres-là, qui ont anéanti des pays entiers, n’existent pas, tout simplement. « Aventures » coloniales. Les dizaines de millions de morts lors de la pénétration occidentale au XIXème siècle de la Chine, oubliés ! Les millions de morts en Afrique noire depuis la traite jusqu’à la mise en coupe réglée du continent, ignorés ! Les dizaines de milliers de Tonkinois « rectifiés » par l’orthopédiste-éducateur Jules Ferry en Asie, gommés !.. Sans parler du génocide des aborigènes d’Australie…. Hors statistiques des experts. Faut-il poursuivre cette effrayante liste de ce qui a constitué tant de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ?

Ceux qui nous parlent aujourd’hui de guerres asymétriques, qui déplorent hypocritement la mort de civils comme autant de tragédies nécessaires accompagnant une « libération » souhaitable et espérée afin, au mieux, de faire des Arabes des Occidentaux un peu basanés, libres de choisir entre se plier à la loi du marché ou de disparaître, sont-ils devenus amnésiques ? Ou ont-ils une mémoire sélective ?

Guerre asymétrique, proclament-ils, tel est ce que nous livrerait, nous imposerait la « modernité ».

Mais pour qui est-ce une nouveauté ? Pour un Cherokee, un Hottentot, un Annamite,…, bref pour l’immense majorité de l’humanité, l’asymétrie a toujours été la règle. La négation a toujours accompagné l’extermination. Il a fallu que cette logique macabre vienne s’inscrire lors de la seconde guerre mondiale, au sein même de l’Europe humaniste - humanisme à géométrie/géographie circonscrite-, pour qu’enfin ceci cesse d’être moralement acceptable. Et encore. Car si l’on a qualifié de nettoyage ethnique ce qui a frappé les Balkans dans la décennie 90, ce concept est encore récusé avec énergie lorsqu’il s’agit de la Palestine colonisée par le sionisme. Il y a toujours des hommes moins égaux que d’autres…

La traduction médiatique, épouvantable, en est devenue banalisée : peu s’étonnent du traitement qui en est fait : puisqu’il n’y a pas guerre, ni en Palestine, ni en Irak, constatons : un gosse israélien tué devient une tragédie – et c’en est une- à partager universellement au point qu’on se fait un devoir de donner son nom, de filmer longuement la souffrance de ses proches … mais dix gamins palestiniens massacrés, cela n’est qu’une statistique, délivrée en passant, entre deux annonces publicitaires et dans l’anonymat le plus absolu. Des civils irakiens prisonniers et humiliés peuvent être exhibés devant les caméras du globe mais c’est un scandale si quelques originaires du Dakota ou de l’Arkansas, capturés,  figurent à la télévision…

Car, s’il n’y a pas guerre, c’est cependant toujours « l’Autre » qui est coupable de la guerre. Celui qui  menace  la « sécurité ». Mais la sécurité de qui ? (Par exemple, de ceux qui expulsent de leurs villages des paysans de Cisjordanie : ôte-toi de là que je m’y mette !)

Puisque que c’est l’Autre le belliciste, il convient tout d’abord de le déshumaniser : érigé en bête sauvage, en fanatique, rien n’empêche alors de l’anéantir, d’éradiquer sa culture, de lui imposer …un nouveau dogme religieux, baptisé désormais d’un mot-fétiche, la démocratie !!! Produis, consomme et tais-toi (on ne te demandera ton avis par voie des urnes que le jour où tu seras mûr, c’est-à-dire conditionné…). L’appel à la résistance communautaire, à la solidarité sur des bases segmentaires, à la défense de son territoire et de ses valeurs, au « djihad », n’est-il pas le signe d’une arriération irrémédiable ? La preuve d’une aliénation de la liberté individuelle intolérable ? Claniques, tribaux, familiaux, religieux : ressorts qui relèvent de l’archaïsme… Primitives solidarités à l’époque où l’individu atomisé, « libre », n’aurait le droit/le bonheur d’exister, merveilleuse perspective, qu’en contrepartie de son inféodation et de son intégration totale aux grands mécanismes et diktats du monde des seigneurs de l’économie, seule réalité qui vaille, nouvelle et moderne « solidarité », pyramidale celle-là. Alors, pour être « moderne », « in » (sinon tu es « out » !), fais confiance à Enron, ou à ses semblables, plutôt qu’à ton clan…

Conflit asymétrique ?

Ces Irakiens qui osent (!) se battre sans être payés, en habits civils ? Faire des embuscades au lieu d’attendre dans un alignement impeccable sur une ligne de front de servir de cibles afin que puisse être vérifiée, sur le terrain, l’excellente qualité des produits high tech sophistiqués issus des industries de pointe de l’armement ? Des sauvages, qui n’ont rien compris à la loi du marché, car enfin, cette « expérimentation » ouvre de vastes perspectives à l’économie : on pourra embaucher dans les arsenaux et les usines… Finie la récession ! « Embarguisés » depuis douze ans, désarmés avant l’attaque, ceux qui résistent, ne sont pas des gens « normaux »… Des suicidaires. Pas des soldats. Savez-vous ce qu’est un soldat, pour nos « experts » ? : regardez les « marines » : eux,  ce sont des « pros », qui font leur « job », et qui, bon gré mal gré, sont consciencieux dans leur « business ». Contre des soldes et des primes en dollars, tout de même…

Y a-t-il une guerre en Irak ?! Une « pacification », une « libération », disent-ils… A la limite, pour les plus alignés sur Washington, cette « intervention » n’est qu’un épisode dans la guerre contre le « terrorisme ». Sans qu’on sache toutefois ce que recouvre ces deux derniers mots. Sauf si  « mettre de l’ordre » au Moyen-Orient, leur ordre, bien sûr, n’était qu’une étape pour mettre à la botte de l’Empire le monde entier…

Si la guerre n’est pas le moyen de terreur pour arriver à ses fins politiques, alors les mots ne veulent plus rien dire. Et ce qui se passe entre Tigre et Euphrate doit être nommé par son nom exact : une guerre coloniale. Et toute guerre coloniale génère une guerre du peuple. Mais nos experts ont oublié Giap et, rassurés par l’effondrement de « l’Empire du Mal », source de tous les maux, ils en ont oublié les leçons de l’Histoire[3]. Et sur les maux, comment mettre des mots, puisque le monde irait si bien sans une poignée de « terroristes »…

Aussi, de plus en plus nombreux sont ceux qui comprennent que cette guerre coloniale n’est qu’un des aspects des nombreux actes de guerre, d’une guerre sournoise sans visibilité mais non sans victimes menée contre les peuples : oui, établir aux quatre coins de la planète des bases militaires, refuser le Protocole de Kyoto, s’opposer à l’interdiction des mines anti-personnel, imposer les OGM, combattre l’existence d’un Tribunal Pénal International, …etc, constituent autant d’actes de guerre.

Lorsque nos « experts » auront enfin compris ce que signifie les mots « résistance » et « guerre du peuple » entre Golfe et Méditerranée, seront-ils capables de réviser leurs concepts de polémologie… en y intégrant le seul facteur décisif : le peuple[4] ?

(1) Seul le gouvernement d’Ankara a cherché, vainement, à les instrumentaliser. 2 Au point que certains, dans cette même logique, peuvent se demander si l’incendie du Reichstag n’était pas un acte de guerre contre la République de Weimar agonisante : on connaît la suite. [3] Notons qu’aux États-Unis, le Vietnam n’a pas été oublié par le peuple américain : la plupart des vétérans sont hostiles à la guerre en Irak. [4] Au lieu et place de cette vision orientaliste qui ne veut connaître que chiites, sunnites, kurdes… voire Tikritis.

 

25.03.03 - Le risque de comprendre . Si nous en restons à l'infotainment, nous ne comprendrons jamais ce qui se noue devant nos yeux. Les spectacles télévisuels morbides ne sont que des divertissements : ils fixent notre regard sur la violence pour mieux nous empêcher de penser et mieux nous contraindre à la passivité. Nous devons dégager les grandes tendances, révéler les enjeux. Mais aussi prendre le risque d'assumer notre responsabilité de citoyen, c'est-à-dire prendre position.

Dans tous les moments de crise, les médias visent surtout à emporter le consentement des populations en les divertissant plus qu'en les informant. Le 11 septembre 2001, nous étions rivés à nos écrans de télévision pour regarder en boucle le choc des avions, les victimes prisonnières des tours en feu se jetant par les fenêtres, puis l'effondrement des immenses buildings. Aujourd'hui, toujours fascinés par la mort en direct, nous voilà pétrifiés à la vue des bombes détruisant Bagdad. Mais ces spectacles morbides ne sont que des divertissements : ils fixent notre regard sur la violence pour mieux nous empêcher de penser et mieux nous contraindre à la fatalité.

L'effondrement des tours jumelles a provoqué un immense nuage de poussière qui a recouvert New York et masqué la prise de pouvoir par un groupuscule de fondamentalistes : les faucons néo-conservateurs. Les lumières vives qui éclairent la nuit irakienne nous aveuglent elles aussi et nous empêchent de voir la progression de ces faucons néo-conservateurs au-delà des frontières états-uniennes. Prenons donc un instant de recul pour observer et analyser ce qui se passe au-delà du théâtre d'opérations. Oublions un instant les grandes proclamations morales sur les affres de la guerre et la dévotion à la démocratie et concentrons-nous sur la compréhension des événements. Si nous en restons à l'infotainment, nous ne comprendrons jamais ce qui se noue devant nos yeux.

Nous devons dégager les grandes tendances, révéler les enjeux. Mais aussi prendre le risque d'assumer notre responsabilité de citoyen, c'est-à-dire prendre position.

Chaque semaine, dans cette Chronique de l'Empire, j'analyserai la stratégie de l'administration Bush, la dérive de son régime et les enjeux internationaux dans lesquels nous sommes tous impliqués, que nous le voulions ou non. Et je vous inviterai à vous positionner. Je ne chercherai pas à vous présenter un commentaire consensuel, dosant avec subtilité la vérité, son contraire et le juste milieu. Je n'écrirai pas en tant que spectateur, mais en tant que président du Réseau Voltaire, c'est-à-dire comme un intellectuel engagé dans un combat pour la défense des libertés individuelles et la promotion de la laïcité.

La chute de Bagdad ne calmera pas la crise diplomatique, mais l'exacerbera. L'attaque de l'Irak par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, contre l'avis de leurs alliés traditionnels et en violation de la Charte de San Francisco remet en cause le fonctionnement de l'ONU, de l'OTAN, de l'ANZUS et de l'Union européenne. Il est faux de croire que la crise diplomatique est derrière nous et que les choses rentreront progressivement dans l'ordre après la victoire de la Coalition des volontaires sur l'Irak. En réalité, la crise ne fait que commencer. Elle va connaître une recrudescence avec l'établissement d'un nouveau gouvernement à Bagdad. Dans leur projet initial, les États-Unis avaient constitué à l'avance un gouvernement provisoire autour d'Ahmed Chalabi. Ils avaient prévu de soustraire de sa compétence l'exploitation pétrolière et de confier celle-ci à une autorité « indépendante » au prétexte de protéger les ressources économiques locales des tensions politiques. Ils devaient aussi imposer un protectorat militaire, inspiré des modèles du Japon et de l'Allemagne d'après 1945. Ce protectorat devait être confié au général Thomas Franks ou au général Jay Garner, proche d'Ariel Sharon. Les opérations humanitaires devaient revenir à un Haut-représentant de l'ONU - au choix Carl Bildt, Emma Bonino ou Bernard Kouchner - qui aurait à la fois traité les problèmes sociaux et donné un vernis de légalité à l'ensemble du dispositif. Toute cette belle construction s'est effondrée : Kofi Annan a prévenu à l'avance que l'attaque de l'Irak contreviendrait au droit international, ce qui implique que le protectorat militaire envisagé serait assimilé à une domination coloniale. Puis, Igor Ivanov a déclaré à la presse que la Fédération de Russie ne reconnaîtrait pas un gouvernement imposé de la sorte en Irak. Le renversement du régime de Saddam Hussein, qui est un des buts de guerre revendiqué de la Coalition, ne peut donc déboucher sur une victoire politique. Au contraire, ce renversement ouvrira un débat majeur au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies.

La coalition états-unienne n'a plus seulement Saddam Hussein comme ennemi, mais aussi les nouveaux soutiens de l'Irak. D'ores et déjà, malgré les apparences, la Coalition des volontaires n'a plus simplement en face d'elle le régime de Saddam Hussein comme elle le prétend. Alors que les États-Unis instrumentalisaient les inspecteurs de l'ONU pour s'assurer que l'Irak soit le plus désarmé possible lorsqu'ils l'attaqueraient, la Fédération de Russie et la République islamique d'Iran avaient commencé, fin 2002, à acheminer des armes légères et des munitions sur zone. Dans le cas d'un enlisement des forces de la Coalition en milieu urbain, la résistance irakienne disposera donc d'un soutien militaire logistique, comme jadis la résistance vietnamienne.

Au cœur de l'OTAN, la Turquie bicéphale n'a pas encore déterminé son rôle. La fracture survenue au sein de l'OTAN à propos de la protection de la Turquie n'a pas opposé d'un côté les États-Unis, le Royaume-Uni et la Turquie et, de l'autre, la Belgique, l'Allemagne et la France, comme on feint souvent de le croire. En effet, la Turquie est elle-même bicéphale : partagée entre un pouvoir civil détenu par les démocrates-musulmans et un pouvoir militaire quasiment sous commandement des États-Unis. Par ailleurs, contrairement à la manière dont Washington l'avait introduit, le débat ne portait pas sur la protection de la Turquie, qui n'avait rien demandé, mais sur l'intégration de l'OTAN dans le dispositif impérial, sinon colonial, des États-Unis. Le compromis de façade, laborieusement élaboré, a été présenté comme une victoire politique par la Maison-Blanche. En réalité, le pouvoir militaire turc a été contraint de s'engager à ne pas annexer le Kurdistan, c'est-à-dire à renoncer à la rétribution que le Pentagone lui avait promise. D'ores et déjà l'Allemagne a indiqué que le compromis serait automatiquement annulé s'il était confirmé que des troupes turques étaient entrées en Irak.

Le Royaume-Uni est invité à saborder l'Union européenne. La crise de l'OTAN a provoqué en chaîne celle de l'Union européenne. Là encore, en voulant passer en force, Washington a cristallisé une opposition latente. En poussant des chefs d'État et de gouvernement européens à publier deux déclarations communes pro-états-uniennes, la Maison-Blanche a discrédité ses amis devant leurs opinions publiques et a failli remettre en cause l'élargissement de l'Union. La crise a favorisé l'émergence d'un axe franco-allemand renforcé, qui s'est exprimé dès janvier sans que Washington ne réalise qu'il s'opposait non seulement à l'attaque de l'Irak en particulier, mais à son expansion impériale en général. Enfin, la crise a contraint Londres à choisir son camp. La démission de Tony Blair, que beaucoup croyait inéluctable après les manifestations monstres organisées par ses anciens électeurs, aurait probablement conduit le Royaume-Uni à renoncer à son alliance privilégiée avec les États-Unis et à se tourner vers l'Union européenne, comme elle avait déjà tenté de le faire à l'époque d'Edward Heath. Au contraire, le soutien apporté par la Chambre des communes au Premier ministre va logiquement conduire Londres à s'éloigner de l'Union européenne. D'ores et déjà, certains à la Maison-Blanche sont favorables à un sabordage de l'Union pour en finir avec le triangle belgo-franco-allemand.

Une nouvelle alliance eurasienne émerge face à l'hyper-puissance. Ce scénario catastrophe a conduit à un rapprochement imprévu entre le triangle ouest-européen, la Russie et la Chine, formant ainsi un axe eurasien qui, s'il devait se confirmer à l'avenir, pourrait équilibrer efficacement l'hyper-puissance états-unienne.

Les soldats US découvrent la réalité que leur propagande leur avait masquée. Dans ce contexte, les opérations militaires en Irak ne sont pas seulement une succession d'événements cruels, mais deviennent un enjeu politique mondial. Les soldats de la Coalition, qui piétinaient depuis trois mois aux portes de l'Orient, se sont rués vers les grandes villes pour libérer la population. Mais dès les premiers contacts, les soldats ont compris qu'ils n'étaient pas attendus en libérateurs comme on le leur avait répété, mais redoutés comme envahisseurs. Ce choc psychologique a contraint immédiatement l'état-major à éviter tout contact des troupes avec la population pour éviter une démoralisation prématurée. Les chars se promènent donc dans le désert sans plus savoir quel objectif atteindre. L'état-major espère n'avoir à faire entrer les troupes dans Bagdad qu'après le renversement du régime qui pourrait céder sous l'effet des bombardements ou d'un coup d'État, ou encore après l'assassinat de Saddam Hussein par un commando. Mais le président irakien avait intégré par avance que le temps jouerait en sa faveur.

L'idéal démocratique est instrumentalisé pour justifier la conquête. Le choc psychologique éprouvé par les troupes de la Coalition finira par atteindre les opinions publiques occidentales et, paradoxalement, l'intégration des journalistes aux unités états-uniennes ne peut que hâter ce phénomène. Il faudra bien admettre que les armées de la Coalition n'apportent pas la démocratie, mais arguent de la démocratie pour étendre un Empire, comme jadis les armées coloniales évoquaient leur mission civilisatrice pour justifier de leurs conquêtes. Ce constat établi, il faudra encore admettre que, depuis les élections truquées de 2000 et le choc du 11 septembre 2001, le régime de George W. Bush a changé la nature des États-Unis. D'où cette question : peut-on défendre la liberté en restant allié des États-Unis ?

Thierry Meyssan , Journaliste et écrivain, président du Réseau Voltaire.

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