L'évolution
de l'Ukraine ébranle les Etats-Unis et leur stratégie en Afghanistan. Evidemment il ne
s'agit aucunement de savoir sir le régime de Leonid Kuchma mérite ou non l'image
autoritaire qu'on s'est employé à lui construire, ni dans quelle direction il évolue au
regard des droits de l'homme, mais comment il se situe par rapport aux États-Unis et à
la Fédération de Russie. Cette nouvelle problématique est une des premières
conséquences de l'affaire Khodorkovsky. Washington prend en effet conscience à
retardement de la politique de développement et d'indépendance énergétique poursuivie
de longue date par Vladimir V. Poutine.
Geoffrey Berlin (directeur de Privatization Partners Ltd., une firme états-unienne
active en Ukraine depuis 1994) et Raymond Albright ( vice président de GlobalNet Venture Partners une
entreprise de stratégie financière états-unienne), spécialistes des marchés dans les
États ex-soviétiques, dénoncent avant toute chose la création de « l'Espace
économique commun » unissant la Russie, la Biélorussi e, l'Ukraine et le
Kazakhstan (lire
leur article).
En effet, Moscou reconstitue sa zone d'influence dans laquelle l'Ukraine bascule alors
que les stratèges états-uniens prévoyaient de la faire entrer dans l'Union européenne.
Les deux experts en arrivent aux fâcheuses conséquences : Kiev a décidé de ne pas
utiliser le pipeline Odessa-Brody pour alimenter l'Europe centrale en hydrocarbures de la
mer Caspienne, mais pour s'approvisionner en produits russes. C'est tout le système
échafaudé autour de la Caspienne par Washington et qui l'a conduit à conquérir
l'Afghanistan et à menacer l'Iran qui est en train de s'effondrer.
Ilan Berman (vice président pour les questions politiques de l'American Foreign Policy Council. ) relève, quant à
lui (lire l'article)
, que l'alliance entre la Fédération de Russie et l'Ukraine s'est d'abord nouée autour
de la création d'un consortium énergétique incluant l'Allemagne.
Cet élément doit conduire à nuancer les propos précédents : l'Ukraine n'a pas eu
à choisir entre l'Europe et la Russie. Les zones d'influence de la Guerre froide sont
rév olues. L'Ukraine a choisit entre l'axe Paris-Berlin-Moscou et une Union européenne
élargie sous influence états-unienne.
« Un combat au ceur de Kiev pour un pipeline »
Fighting
for the pipeline to Kiev's heart International
Herald Tribune (États-Unis) . Les États-Unis et la Russie sont engagés dans un
conflit post-Guerre froide au sujet d'un pipeline en Ukraine. Ce projet de pipeline,
reliant Odessa à Brody et faisant 415 miles (674 km) de long a été commandé en mai
2002, mais avance au ralenti. Ce n'est pas surprenant car dans une étude de faisabilité
que nos entreprises avaient réalisée avec Gulf Interstate Engineering, en 1999, nous
avions conclu que ce pipeline ne serait pas compétitif pour acheminer le pétrole de la
mer Caspienne.
Pourtant, les États-Unis veulent que ce pipeline alimente la Hongrie, la Slovaquie, la
République tchèque et la Pologne en pétrole de la mer Caspienne, tandis que la Russie
souhaite qu'il soit utilisé pour exporter son pétrole. Aujourd'hui, l'Ukraine a décidé
de retarder la décision de l'usage du pipeline jusqu'en janvier 2004. En réalité, ce
qui est en jeu, c'est l'orientation future de l'Ukraine. En effet, l'Union européenne et
les États-Unis souhaitent que l'Ukraine s'intègre à l'Europe alors que celui-ci vient
de signer avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan la création d'un
« Espace économique commun ». Ce projet a été présenté par Leonid Kuchma
comme un moyen d'enrichir l'Ukraine et donc de l'orienter vers l'intégration européenne.
Si le pipeline est un symbole, le facteur essentiel ne sera-t-il pas de voir si l'Ukraine
tire le meilleur potentiel de son investissement ? C'est par une plus grande
prospérité que l'Ukraine tracera sa voie vers l'Europe. Plutôt que de combattre la
Russie, les États-Unis et les institutions financières internationales devraient se
joindre aux investisseurs privés pour financer l'achat de pétrole pour remplir le
pipeline et en faire un succès international. C'est une opportunité pour Kuchma de
placer son pays dans une position intermédiaire entre l'Atlantique et ses voisins du
nord.
« Glisser de nouveau dans l'orbite de Moscou »
Sliding
back into Moscow's orbit International
Herald Tribune (États-Unis). Pendant des années, Leonid Kuchma a su garder un
équilibre entre les demandes de réformes de l'Union européenne et la politique russe
dans l'« espace post-soviétique », mais aujourd'hui Kiev est en train de
revenir dans l'orbite de Moscou.
Cela est patent dans le domaine énergétique. 90 % du gaz naturel exporté par la Russie
passe par un pipeline situé en Ukraine et, compte tenu de sa situation géographique, ce
pays a un bel avenir dans l'exportation du pétrole de la mer Caspienne vers l'Occident.
Malheureusement, la Russie a développé son emprise sur l'Ukraine en raison de la
mauvaise gestion qui a fait contracter de fortes dettes auprès de Moscou, ce qui a permis
à la Russie d'obtenir un accord lui permettant de payer ses frais de transit des
matières premières sur le territoire ukrainien en gaz plutôt qu'en roubles. Cela
réduit les revenus de l'Ukraine et porte un coup à son indépendance énergétique. La
Russie a développé son emprise en faisant entrer l'Ukraine dans un consortium
trilatéral sur la gaz avec la Russie et l'Allemagne et en faisant détourner un projet de
pipeline qui devait alimenter les pays d'Europe orientale en pétrole de la mer Caspienne
en un pipeline exportant le pétrole russe.
Cette hégémonie énergétique de la Russie est due aux résultats commerciaux peu
brillants de l'Ukraine avec l'Union européenne et à des disputes prolongées au
Parlement qui ont détourné le pays de l'intégration européenne. Kiev a donc décidé
d'intégrer l'« espace économique commun » proposé par Vladimir Poutine. Pour
éviter que Kiev n'adhère à l'OTAN
, Moscou a renforcé la coopération militaire entre les deux pays.
Il faut que les États-Unis et l'Union européenne entament un dialogue avec l'Ukraine
pour lui faire comprendre que son avenir est à l'Ouest.
transmis par ReseauVoltaire
Reste à voir comment les USA vont tenter , dans les mois et les années à venir, de
reprendre le contrôle de l'Ukraine en fomentant une déstabilisation, mettant en place
ses hommes tout comme en Afghanistan ou en Irak, y compris à l'occasion d'élections
"démocratiques" et de contre-révolution. |