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Actualités

06.02.03

L'impact présumé d'une guerre en Irak fait des vagues à l'OMS

Une catastrophe humanitaire programmée

Jeudi 6 février 2003, les États-Unis ont donné 12 millions de dollars au Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) afin qu'il gère la « crise humanitaire » que provoquera leur attaque de l'Irak.

Au même moment, des remous ont lieu au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Un groupe d'ONG et l'Association du personnel de l'OMS souhaitent attirer l'attention sur l'ampleur de la catastrophe humanitaire programmée. Mais l'OMS refuse de prendre part à un débat qualifié de « politique » qui, apprend-on à demi-mots, touche à des enjeux supérieurs.

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Un rapport de l'ONU sur les conséquences sanitaires d'une guerre contre l'Irak, auquel ont contribué l'OMS et l'UNICEF, estime que 25 000 personnes pourraient être tuées directement ou indirectement par les bombardements, que 500 000 personnes pourraient avoir besoin d'une « assistance médicale » et que « l'état nutritionnel de plus de 3 millions de personnes nécessiterait une intervention thérapeutique ».

Au début, c'était une simple rumeur : l'ONU préparait un rapport sur les résultats d'une guerre en Irak, afin de permettre à ses agences d'entraide humanitaire de se préparer au cas où. Cependant, aux conférences de presse, quand on interrogeait les chefs ou les porte-parole des ces agences, ils répondaient de façon anodine. A savoir qu'on a toujours des plans pour des zones où les désastres menacent. Ça relève de la prudence élémentaire.

A la mi-décembre, de mauvaises langues insistent, en avouant avoir vu un tel document. Puis, au début du mois de janvier, un article du Monde diplomatique y fait allusion.

Peu après, le texte du rapport, accompagné d'un communiqué de presse, paraît sur le site Internet de la Campagne contre les sanction en Irak (CASI, Campaign Against Sanctions in Iraq), une ONG basée à l'Université de Cambridge. Enfin, le 29 janvier, Jonathan Steele dans le Guardian consacre toute une colonne à détailler les horreurs que - selon le rapport - prévoit l'ONU en cas de guerre (lire ci-dessous).

Le rapport d'une ONG

En premier lieu, affirme le rapport, les estimations de la capacité à résister de la part de la population ne peuvent pas se faire à la base des expériences de guerre de 1991. Et cela par le simple fait que le « fonds de santé » actuel des Irakiens n'a plus aucune commune mesure avec celui de 1991. Douze ans de sanctions et de désastre environnemental ont fait payer un lourd tribut à la résistance physique et mentale de ce peuple. Deuxièmement, celui-ci est surtout urbain, ce qui le rend spécialement vulnérable aux perturbations au niveau des infrastructures, bien plus que ne l'était la population afghane lors de l'attaque de 2001. Et ainsi de suite.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS), il va sans dire, est un contributeur de taille à cette évaluation. Début janvier également, Medact, antenne britannique de l'International Physicians for the Prevention of Nuclear War (Médecins internationaux pour la prévention de la guerre nucléaire) intervient avec son propre rapport, Collateral Damage (Dégâts collatéraux : les coûts sanitaires et environnementaux de la guerre en Irak, lire ci-dessous).


L'Association du personnel de l'OMS fait alors venir une représentante de l'ONG pour faire une présentation du rapport aux employés. Ceux-ci, profondément impressionnés, émus et se sentant spécialement impliqués, vu les répercussions sanitaires d'un conflit, se demandent ce qu'ils pourraient faire pour tenter d'inverser la vague guerrière qui semble prête à tout emporter.

Pétition à l'OMS

Une pétition est rédigée, citant le préambule de la Charte de l'ONU et soutenant la position de la directrice générale de l'OMS, la doctoresse Gro Harlem Burndtland, qui avait déploré les effets de la guerre, dans son plus récent rapport mondial sur la santé, consacré au thème violence et santé. Le chapitre 8 de cet important document est d'ailleurs entièrement consacré à la guerre comme instrument de violence collective.
Jugée trop politique par certains, la référence spécifique à la guerre en Irak est enlevée de la pétition ; les rédacteurs jugent que, de toute manière, tout le monde fera le lien entre le sujet général et la situation actuelle. Une copie est envoyée au bureau de la directrice générale, le jour même où la pétition commence à circuler. Puis le couperet tombe.
L'équipe de rédaction (essentiellement le comité de l'association) est sommée de se rendre au bureau du Dennis Aitken, conseiller privilégié de la Doctoresse Brundtland. Les récits du personnel sont unanimes : M. Aitken a exigé le retrait de la pétition et qu'il n'en soit plus fait mention à qui que ce soit, sinon « ils pourraient démissionner » sur-le-champ. Point.

Débat sans les ONG

Peu après, un groupe d'ONG, qui suivent le Comité exécutif alors en session, prend le relais et prépare une intervention pour le débat prévu sur le rapport mondial La Violence et la santé.
Mais soudainement, à la demande d'une certaine superpuissance, le débat est effacé de l'ordre du jour. Tout aussi soudainement, il réapparaît, suite à l'insistance de plusieurs membres de Comité, mais on refuse aux ONG le droit d'intervenir dans le débat. Décision pour le moins douteuse compte tenu des dispositions qui règlent les relations entre les ONG et l'OMS. Elle est toutefois justifiée par le Dr Bill Kean, qui explique aux représentants des ONG que leur accréditation à l'OMS n'a pas été établie pour les amener à s'exprimer sur une guerre éventuelle en Irak.

De quoi peut-on parler ?

Une justification qui a le don d'énerver Kathryn Mulvey. Ironique, la militante d'INFACT demande alors si on préfère qu'elle aborde la question « de la répartition des droits aux gisements irakiens, des parts de marché, des investissements et des bénéfices que les transnationales pétrolières comptent faire... » De même, Patti Rundall, du Réseau international des groupes d'action pour l'alimentation infantile, propose de « focaliser une partie de son intervention sur la situation déjà désastreuse des enfants irakiens, situation qui ne pourra que s'aggraver dramatiquement en cas de guerre ». Rien n'y fait : le débat est clos.

Cet article a été initialement publié par Le Courrier de Genève, le 4 février 2003, et est reproduit avec son aimable autorisation.

Robert-James Parsons
Journaliste, administrateur du Réseau Voltaire.

Chiffres effrayants

Le discret rapport des Nations Unies fait froid dans le dos. Selon la « task force » qui l'a réalisé, quelque 500 000 personnes pourraient avoir besoin d'une « assistance médicale » durant un conflit en Irak. L'OMS estime, dans ce texte, que 100 000 civils pourraient être blessés et 400 000 personnes pourraient tomber malades suite aux bombardements. « L'état nutritionnel de plus de 3 millions de personnes nécessiterait une intervention thérapeutique », affirme encore l'UNICEF. Les bombes, elles, devraient tuer « directement » au moins 5000 personnes et 20 000 « indirectement », estime-t-on généralement, en se basant sur les conséquences du précédent raid étasunien en Afghanistan. Destruction des ressources, des infrastructures, des millions de personnes sans eau ni électricité, plus de 3 millions de réfugiés, internes et externes, 3,6 millions de sans-abri, telles sont les autres prévisions contenues dans le rapport onusien.
Le texte de l'ONG Medact n'est pas plus rassurant. Il estime qu'une attaque militaire contre Bagdad ferait entre 2000 et 50 000 morts dans la seule capitale. Chiffre qui varie selon les armes utilisées et la résistance du régime irakien. Pour une intervention militaire de trois mois, additionnée d'un début de guerre civile, l'ONG parle de 68 000 à 280 000 morts, dont une immense majorité de civils. Elle insiste également sur les conséquences économiques des destructions guerrières. La reconstruction du pays se chiffrerait en centaines.

 

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