le monde n'est pas une marchandise yeux_tournant.gif (6118 octets)
Actualités

16 Octobre 2003

 

Washington ne sait plus comment gérer le bourbier irakien

Les commentateurs politiques états-uniens évoquent de plus en plus fréquemment une « guerre civile » au sein de l'administration Bush, opposant le département de la Défense d'un côté au département d'État et à la CIA de l'autre. Face à ce conflit, la Maison-Blanche donne l'impression de refuser de le trancher sans pour autant parvenir à le maîtriser. Il s'ensuit une série de décisions qui se contredisent sans s'annuler et plongent l'administration dans la confusion. Ainsi, pour reconstruire l'Irak, Washington avait d'abord nommé un vieux complice de Rumsfeld, le général Jay Garner. Celui-ci ayant rapidement manifesté son incurie, on ne le désavoua pas, mais on lui dépêcha sur place un supérieur en la personne d'un ex-associé de Kissinger, Paul L. Bremer. Celui-là ayant avancé le pillage économique, mais n'étant pas parvenu à restaurer l'ordre, vient d'être placé sous l'autorité d'un Groupe de stabilisation de l'Irak, supervisant les opération s depuis la Maison-Blanche et présidé par Condoleezza Rice, la « sœur adoptive » de Madeleine Albright. Cette dernière valse des organigrammes a été généralement interprétée comme un échec personnel pour Donald Rumsfeld. Dans le Washington Times, un faucon, Clifford D. May, assure que c'est faux. Selon lui, c'est Colin Powell qui a été désavoué par cette nomination, car c'est au département d'État, et non à celui de la Défense, qu'incombe la stabilisation de l'Irak.

L'avenir de l'Irak paraît d'autant plus sombre que l'exemple afghan n'incite pas à l'optimisme. À ce propos, le Guardian reproduit un dialogue entre l'essayiste Tariq Ali et le secrétaire d'État travailliste au Commerce, Mike O'Brien. Le premier relève que la situation des populations ne s'est pas améliorée depuis le renversement des Talibans, tandis que le second souligne qu'on ne peut construire la démocratie en un jour. Tariq Ali stigmatise la vanité des occidentaux de croire qu'ils pourront à moindres frais réussir à démocratiser l'Afghanistan par la force, alors que les Soviétiques ont échoué à réaliser le même projet bien qu'avec des moyens beaucoup plus importants. Mike O'Brien, quant à lui, regrette que cette critique ne débouche sur aucune proposition alternative. À les lire, on constate que les Britanniques regrettent aujourd'hui de s'être placé dans cette situation.

Pour mieux comprendre les options qui s'offrent désormais à la Coalition, le Washington Post a organisé un vaste débat entre militaires sur la stabilisation de l'Irak. Le général Joseph Hoar et le colonel Richard Klass (Ancien général des Marines, Joseph Hoar est ancien commandant en chef de l'U.S. Central Command. Richard Klass est ancien colonel de l'US Air Force. Ils sont tous les deux consultants indépendants sur les questions de sécurité nationale) dressent un bilan négatif de la situation. Selon eux, la démocratisation forcée de l'Irak est une chimère et, loin d'avoir garanti la sécurité des États-Unis, cette guerre a augmenté les dangers auxquels l'Amérique doit faire face. " George W. Bush a repris devant l'ONU les deux arguments en faveur de la guerre de son administration : les Irakiens sont mieux depuis que nous avons renversé Saddam Hussein ; le monde et les États-Unis sont plus sûrs. On pourra juger de l'amélioration de la qualité de vie des Irakiens seulement après que nous aurons quitté le pays, mais il n'est de toute façon pas de la responsabilité de George W. Bush d'assurer une amélioration de leur vie. En revanche, il est de son devoir de protéger les États-Unis et nous ne sommes pas sûrs que la sécurité du pays se soit améliorée depuis notre victoire.
L'affirmation de Washington concernant l'amélioration de la sécurité du pays repose sur le fait que Saddam Hussein était une menace, ce que nous ne croyons pas, et que la guerre n'a pas fait naître de nouveaux risques. Or, nous pensons que notre pays est moins en sécurité qu'avant pour six raisons : a) Les militaires états-uniens sont désormais trop dispersés et nous ne pouvons donc pas répondre à une crise en Corée ou ailleurs, et ce pour plusieurs années. b) L'Irak nous a détourné de la guerre au terrorisme. c) Les fonds dépensés en Irak auraient pu l'être pour accroître la sécurité de la patrie. d) Si Saddam Hussein avait des armes de destruction massive, elles sont aujourd 'hui perdues dans une région hostile. e) L'Irak est aujourd'hui instable et forme un terrain fertile pour Al-Qaïda. f) Notre unilatéralisme a affaibli l'alliance contre le terrorisme.
C'est pour ces raisons que nous devons obtenir une résolution de l'ONU et développer l'armée irakienne afin de nous désengager d'Irak militairement et politiquement. Il faut également recentrer les efforts sur la guerre au terrorisme. "

" Quoi qu'il en soit -affirme le colonel John Warden III ( Ancien colonel de l'US Air Force et vétéran du Vietnam, John Warden a été l'un des stratèges de la campagne aérienne de l'opération « Tempête du désert » de 1991 et un assistant spécial du vice-président de George Herbert Walker Bush, Dan Quayle. Il est l'auteur d'une théorie des bombardements modernes en ciblant prioritairement sur les centres de décision et de transmission. Il préside aujourd'hui Venturist Inc, une entreprise de consulting économique, et est analyste militaire pour la télévision états-unienne. )- il est trop tard pour discuter du bien-fondé de cet engagement, nous sommes en Irak et il faut faire face. Puisqu'on ne peut pas résoudre tous les problèmes à la fois, il faut revoir les objectifs à la baisse. Il convient notamment d'abandonner l'idée même d'un gouvernement démocratique autochtone à moyen terme. "

La stratégie, c'est regarder devant nous, pas derrière. Aussi, peu importent les raisons qui nous ont amené en Irak, nous y sommes et notre intérêt ici est clair :

aider l'Irak à devenir un membre de la communauté mondiale démocratique et libre-échangiste au coût le plus acceptable. Il faut néanmoins garder deux principes stratégiques en tête : nous ne voulons pas créer un État parfait, mais « suffisamment bon » ; plus longtemps nous resterons, plus cela sera coûteux et plus nous risquerons d'échouer. C'est pour cette raison que, d'ici à la fin 2004... nous devons au préalable avoir réalisé différents objectifs :

- Permettre les investissements étrangers. Le conseil de gouvernement irakien a déjà adopté la législation la plus libérale du monde arabe dans ce domaine.

- Mettre en place une armée irakienne d'une taille suffisante pour défendre l'Irak contre ses ennemis extérieurs et intérieurs. Les progrès dans ce domaine sont pour l'instant trop lents.


Il ne faut pas espérer installer rapidement une démocratie à l'américaine en Irak, mais on peut disposer d'un gouvernement raisonnablement représentatif respectant la loi et le droit à la propriété. Les Irakiens évolueront ensuite par eux-mêmes.

Absolument, renchérit le colonel Andrew J. Bacevich (Ancien colonel de l'US Army, Andrew J. Bacevich est professeur de relations internationales à l'université de Boston). Il faut se retirer au plus vite sans se préoccuper du type de régime que l'on laissera derrière soi.

"Il faut faire vite", ajoute le général Montgomery C. Meigs (Ancien général de l'US. Army et vétéran du Vietnam, Montgomery C. Meigs est ancien commandant en chef des blindés durant l'opération « Tempête du Désert » et ancien commandant de la force de maintien de la paix en Bosnie. Il est professeur à l'université du Texas )  ," faute de quoi, l'opinion publique états-unienne se découragera et il ne sera plus possible de réaliser quelque objectif que ce soit. "

Les guerres sont toujours affaires de force morale. Elles doivent se gagner dans les esprits avant de pouvoir se gagner sur les champs de bataille.

transmis par Réseau Voltaire

retour au sommaire des archives
banque de données et d'informations indépendantes sur la domination US et pour la liberté des peuples . bank of information independent against the US domination and for freedom of the people.