Le Sommet de Jérusalem, qui s'est tenu du 12 au 14 octobre 2003 à l'hôtel
King David de Jérusalem, a scellé l'alliance entre trois groupes bellicistes : les
anciens de la Guerre froide à Washington, les fondamentalistes évangélistes et la mafia
russe en Israël.
Autour de Richard Perle et de ministres du gouvernement Sharon, ils ont
célébré la « théopolitique » qui conduira à l'avènement de la
« Jérusalem Céleste »... après l'anéantissement de l'Islam. Réunis
ensemble pour la première fois, ils ont fondé un organisme permanent pour coordonner
leur politique commune.

L'image de la
« Jérusalem Céleste » en présentation du Sommet de Jérusalem sur le site internet consacré à
l'événement. Ce sommet historique des trois mouvements les plus bellicistes des
États-Unis et d'Israël marque l'officialisation de la « théopolitique ».
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« Israël est l'alternative morale
au totalitarisme oriental et au relativisme moral occidental. Israël est le "Ground
Zero" de la bataille centrale de notre civilisation pour sa survie. Israël peut
être sauvé, et le reste de l'Occident avec lui. Il est temps de nous unir à
Jérusalem. » Ainsi est rédigé l'appel du Sommet de Jérusalem, qui vient de se conclure
à l'hôtel King David de Jérusalem.
L'alliance de trois fanatismes
Cette manifestation, réunissant les principaux leaders de
l'extrême droite israélienne et des extrêmes droites religieuse et militaire
états-uniennes, a permis de fonder un think tank international des amis d'Israël. Il
sera composé de personnalités intellectuelles et de leaders spirituels capables
d'opposer un discours enraciné dans des valeurs morales supérieures à celui des
gouvernements représentant les masses sans conscience.
Il ne s'agit, ni plus ni moins, que d'unir enfin trois
groupes différents :
Les « Guerriers froids » de Washington.
Souvent formés au cabinet du sénateur démocrate Henry Scoop Jackson, ils ont appartenu
au plus haut niveau à l'appareil d'État pendant la Guerre froide (CIA, état-major
interarmes, Conseil national de sécurité). Ayant progressivement rejoint le Parti
républicain et s'étant identifiés au lobby militaro-industriel, ils sont regroupés au
sein du Center for Security Policy
(voir enquête).
Les membres de « La Famille ». Un
groupe de chrétiens fondamentalistes qui, pendant la Guerre froide, a fourni
l'argumentaire idéologique contre le communisme athée, et dont les pasteurs Bill et
Franklin Graham sont les porte-parole. Leur siège est situé dans la propriété des
Cèdres à côté du Pentagone.
Le parti israélien d'Union nationale, composé du
Ichud Leumi et du Yisrael Beiteinu, qui milite pour l'annexion des territoires occupés et
la création du Grand Israël. Ce parti est financé par des « hommes
d'affaires » d'origine russe.
Voici plusieurs années que ces trois groupes ont préconisé des politiques convergentes.
Ils ont souvent collaboré par paires, mais c'est la première fois qu'ils travaillent
tous les trois ensemble et se dotent des moyens nécessaires à la conduite d'une
stratégie commune.
Sous le haut patronage de la mafia russe
Techniquement le sommet a été organisé par Dmitry
Radyshevsky au nom de la Fondation Michael Cherney. M. Cherney est l'une des figures
les plus controversées du monde des affaires. Parti de rien, il fit fortune en Russie
sous l'ère Eltsine, « achetant » pour pas grand-chose les principaux
combinats producteurs d'aluminium et créant le TransWorld Group. Rapidement considéré,
à tort ou à raison, comme le « parrain des parrains de la mafia russe »,
Michael Cherney déplaça une partie de ses activités vers la Bulgarie où il devint le
principal investisseur. Il développa la compagnie de téléphones cellulaires Mobiltel et
sponsorisa la principale équipe de football bulgare. Cependant, en août 2000, il fut
accusé de complot contre la sécurité de l'État et interdit de séjour en Bulgarie. Il
se réfugia alors en Israël, où il avait déjà transféré une partie de sa subite
fortune. Après avoir été poursuivi en justice pour son rôle supposé à la tête de la
mafia russe, il fut brusquement réhabilité et devint le principal fournisseur de
l'industrie d'armement israélienne.
Le Sommet de Jérusalem a été ouvert samedi 11 octobre
2003 par un dîner de gala présidé par Avigdor Lieberman, le ministre des transports du
gouvernement Sharon et président du Yisrael Beiteinu. Ancien directeur de cabinet de
Netanyahu, Lieberman fut le principal défenseur de Michael Cherney et de son ami Mark
Rich, PDG de Glencore. Selon lui, les deux hommes d'affaires d'origine russe étaient
« persécutés » par le directeur de la police judiciaire, le général Moshe
Mizrachi, qui les accusait à tort d'être des patrons du crime organisé.
Sauver la civilisation face à la « faillite morale de
l'ONU » et aux pacifistes « démoniaques »

Voici donc venu le temps de la
« théopolitique », c'est-à-dire d'une politique prétendument d'inspiration
divine, fondée sur une lecture fondamentaliste des « Écritures ». Elle n'est
plus l'uvre d'un clergé, mais d'un groupe de « sages » autoproclamés,
les « néo-conservateurs », dans la ligne de leur maître à penser, le
philosophe Leo Strauss.
Dimanche matin, une série d'orateurs a décrit la crise
morale du monde moderne et préconisé de le régénérer en se tournant vers Israël.

Outre trois ministres en exercice (Ehud Olmert, Benjamin
Netanyahu, Uzi Landau), on a pu entendre les dirigeants des grandes organisations
sionistes (Congrès juif mondial, Organisation sioniste américaine) et des sectes
états-uniennes (Ambassade chrétienne internationale de Jérusalem, Centre d'éthique et
de politique d'Elliot Abrams). Ils se sont appliqués à dénoncer la « faillite
morale de l'ONU » et « l'entretien du problème des réfugiés » par
l'Agence des Nations unies pour l'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA).
L'après-midi a donné lieu à des débats hauts en
couleurs sur l'immoralité de l'anti-sionisme, la haine du sionisme chez les musulmans, et
le rôle « démoniaque » des pacifistes.

La journée de lundi a été consacrée à démontrer que
la menace pesant sur Israël est le paradigme du danger islamiste pesant sur le
« monde libre ». Au cours des débats organisés par le Jewish Institute for
National Security Affairs (JINSA),
Yossef Bodansky (biographe de Ben Laden) et Daniel Pipes (le théoricien de
l'islamophobie) ont apporté leur « expertise » en soutien aux analyses
d'officiers supérieurs israéliens. Mardi, les congressistes ont étudié les moyens de
placer les médias occidentaux « au service de la vérité ».
La nouvelle croisade : après l'URSS, l'Islam

C'est mercredi que se tenait le moment fort de ce sommet.
On y a discuté de la paix. Frank J. Gaffney Jr., le coordinateur des faucons, avait fait
le voyage de Washington pour dénoncer le péril islamique. Benny Elon, le ministre du
Tourisme, est venu redire sa détermination à « effacer » Arafat. Advint
alors le clou du spectacle avec standing ovation : la remise du
Prix Henry Scoop Jackson à Richard Perle. Ce prix tient son nom de feu le sénateur
démocrate Jackson (1912-1983), dont Perle fut l'assistant parlementaire. Il se rendit
célèbre en cautionnant l'usage de la bombe atomique (dont le beau-père de Perle était
le théoricien), en préconisant le premier le développement de la « guerre des
étoiles », et en conditionnant les échanges agricoles avec l'URSS finissante au
peuplement d'Israël par des juifs soviétiques.

Dans son allocution, M. Perle s'est longuement
félicité de l'adoption par le gouvernement Sharon de la doctrine Bush de frappes
préventives et de guerre contre les États qui soutiennent le terrorisme. Aussi a-t-il
applaudi le raid israélien de la semaine dernière, présenté comme la destruction d'un
camp terroriste en Syrie. Surtout, Richard Perle s'est employé à dénoncer l'Accord de
Genève, conclu cette semaine entre l'OLP et un groupe de travaillistes réuni autour
de Yossi Beilin avec le soutien de démocrates états-uniens et de travaillistes
britanniques.
Il existe en effet une alternative à la théopolitique du
Sommet de Jérusalem : la paix.
source: Reseau Voltaire |