« Interview
de Jacques Chirac pour le New-York Times » Interview with President Jacques Chirac
International Herald Tribune
(États-Unis) ( Jacques Chirac est le
Président de la France. La transcription en français de
cet entretien est disponible sur le Fil diplomatique du Réseau Voltaire). " J'ai observé les tensions entre la France et les États-Unis, mais
ne les ai pas comprise. Nous avons donné notre opinion sans agressivité dans un débat entre amis de longue date. Colin Powell
a déclaré : « les États-Unis et la France sont amis depuis
225 ans. » Il n'y a pas de raison que cela change
pour des raisons purement circonstancielles. Ceux qui ont déclaré que la France était
devenue un ennemi ont transformé un débat en polémique et montré leur incompétence à
réfléchir et à apprécier la réalité. Nous ne parlions pas d'ennemis quand nous
étions en désaccord sur le Protocole de Kyoto.
Nous avons notre culture et nos propres jugements et je pense qu'il n'y a pas de solution
concrète sans une souveraineté de l'Irak ; c'est psychologiquement et politiquement
essentiel et cela doit être fait rapidement. Le transfert de responsabilité, qui
accompagne celui de souveraineté, doit être fait petit à petit avec l'aide de l'ONU. La
France est prête à rejoindre l'Allemagne et la Russie pour entraîner l'armée et la
police irakiennes.
Je n'invente pas quelque chose d'extraordinaire simplement pour compliquer
la tâche des États-Unis comme je l'ai lu ; ce n'est pas mon but.
Je recherche juste, comme pour l'Afghanistan, la meilleure
solution. Mon point de vu n'est pas le meilleur, mais c'est le mien. La souveraineté est
venu beaucoup plus vite en Afghanistan (???). Je ne dis pas que ce fut facile et les
difficultés subsistent, mais il y a eu un processus rapide appuyé par la majorité des
personnes responsables du pays.
Je n'ai pas l'intention d'utiliser mon veto à la
résolution s'il n'y est pas inclus le principe d'un transfert immédiat de souveraineté,
mais pour voter oui, l'ONU doit avoir un rôle clé et une vision
politique large doit être claire ment perceptible. Mais nous pouvons aussi nous abstenir.
L. Paul Bremer a la souveraineté de l'Irak entre les mains. Je ne pense pas que sa
présence soit, ni une idée très moderne, ni un besoin pour la région. Le transfert est
symbolique ; c'est un acte politique qui consiste à dire : « vous
n'êtes pas sous la responsabilité d'un chrétien étranger ». C'est à la
communauté internationale de dire cela, c'est aux États-Unis de prendre cette décision.
Nous verrons comment le concrétiser, mais le principe est là. N
Nous devons donner les
moyens au gouvernement actuel, qui n'est pas idéal, mais qui existe, de
rendre les Irakiens libres de leur destinée. Une Constitution et des élections doivent
être préparées rapidement. Je ne dis pas « blanc » parce que les
Américains disent « noir », mais le système d'occupation actuel ne nous
permet pas de trouver une solution à cette situation. Elle peut rapidement empirer et ce
n 'est pas aller trop vite que de demander un changement.
Je pense que Saddam Hussein aurait pu être destitué sans passer par une guerre. La
guerre est toujours la pire solution. Par exemple, j'approuve les travaux d'inspection
nucléaire de l'IAEA en Iran. L'Allemagne et le Royaume-Uni sont d'accord avec moi pour
dire que, comme pour la Corée du Nord, il est nécessaire de savoir avant toute action.
Si l'Iran signait le Comprehensive Nuclear Test Ban Treaty (CNTBT), ce
serait une victoire, ce qui n'empêche pas la production d'énergie nucléaire pour un
usage civil.
Quant à ce qu'on appelle l'anti-américanisme, je pense qu'il s'agit
plutôt d'inquiétudes face au manque de solidarité du monde actuel. Les responsabilités sont partagées par les Occidentaux
et les critiques ne visaient pas exclusivement les Américains. Malgré nos grandes
déclarations, nous nous sommes montrés incapables d'humaniser la mondialisation et le
sommet de Cancun le prouve encore : ce sont les pauvres qui en souffrent les
premiers.
« Les Américains ont tort de diffamer les
Français »
Americans
are wrong to vilify the French International Herald Tribune (États-Unis)
par Guillaume
Parmentier (ancien directeur adjoint de l'information à l'OTAN (1990-94), puis conseiller du ministre
français de la Défense, Charles
Millon (1995-97). De 1997 à 1999, il met en place une structure qui donne naissance
au Centre Français sur les États-Unis
(CFE), qu'il dirige aujourd'hui à l'Institut
française des Relations Internationales (IFRI), et au Center on the US and France (CUSF),
que Philip H.
Gordon dirige à la Brookings
Institution. Cette tribune est une réponse à un éditorial récent de Thomas L.
Friedman.
Il est temps de restaurer le bon sens dans les
commentaires concernant la position de la France vis-à-vis de l'Irak et dans ses
relations avec les États-Unis. Il n'existe absolument pas
de désir français de voir la politique américaine échouer en Irak. Cet
échec aurait des conséquences sur le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, donc sur la
France et c'est pour cette raison qu'elle s'est opposée au lancement de cette campagne.
Les Américains ont l'impression que les Français
souhaitent avant tout s'opposer à eux alors qu'en France, on pense que les États-Unis
agissent de manière altruiste. Le changement brutal de politique étrangère -inexistante
pendant la cohabitation, volontaire avec De Villepin- a été perçu comme une volonté
d'opposition aux États-Unis alors qu'un des premiers actes
qui suivaient l'élection présidentielle de 2002 en France a été de se rapprocher de
Washington.
En fait, la politique de la France est déterminée par une méfiance -que, au vu de leur
histoire, les Américains devraient partager- envers toute concentration excessive d'un
pouvoir international. Et les carences de sa communication en direction d'Outre Atlantique
ne dévalorisent en rien son but. Cette méfiance est partagée par beaucoup
d'Américains. De plus, la politique étrangère américaine a fait des erreurs et les
questions intérieures se répercutaient sur l'extérieur.
Partager les responsabilités peut réduire ces risques
d'erreur. La résistance à un empire étranger est profondément ancrée, de par notre
histoire, dans notre culture politique.
L'exclusion amène le ressentiment qui, à son tour, crée la menace. C'est contre ce
processus que le Président Chirac développe son concept de « monde
multipolaire ». La multipolarité n'est pas assez : la gouvernance doit être
partagée grâce à une réforme du Conseil de sécurité des Nations unies.
Par cette culture, la France ressemble plus que toute autre
nation à l'Amérique. À une époque de globalisation et
d'interdépendance, l'Amérique serait un des principaux bénéficiaires d'un système de
coopération international.
transmis par Réseau Voltaire |