Le think tank du lobby militaro-industriel se frotte les mains. L'Irak a
été juteux. James Dobbins et Seth G. Jones se félicitent dans le New
York Times de la rentabilité des investissements militaires. Les deux hommes, qui
dirigent la Rand Corporation, le think tank du lobby militaro-industriel, affirment que
les dépenses pharaoniques du Pentagone ont été largement rémunérées par la prise de
contrôle de l'Afghanistan et de l'Irak.
Et sur la base de ce juteux business, ils proposent d'investir également
dans la reconstruction de nations, sachant que leur savoir-faire ne se limite pas à la
guerre et qu'ils peuvent assurer un service après-vente. Stanley A. Weiss relève pour sa
part que le pétrole, loin d'être un atout, est presque toujours une malédiction pour
les États qui en possèdent. Dans l'International Herald Tribune, il
s'interroge sur la « chance » de l'Irak en la matière. Cependant ce constat
objectif le conduit à une conclusion coloniale classique : il faut sauver les Ira
kiens de la malédiction de leur pétrole en plaçant celui-ci sous tutelle.
John B. Wolfsthal regrette que l'on pourchasse les scientifiques irakiens
impliqués dans les programmes d'armement de destruction massive et qu'on les traite comme
des criminels alors qu'ils seraient de précieux auxiliaires pour détruire ces armes.
Poussant plus loin le raisonnement dans le Los Angeles Times, il
propose de veiller à leur réinsertion civile de sorte qu'à l'avenir, ils ne mettent pas
leur savoir au profit de groupes terroristes. Il compare cette sollicitude avec celle dont
bénéficièrent les savants soviétiques après l'effondrement de l'URSS. Cependant, si
le régime de Saddam Hussein était bien un régime criminel, il serait plus juste de
comparer cette proposition avec « l'opération Paperclip » par laquelle les
États-Unis recyclèrent les savants nazis dans les centres de recherche de leurs propres
forces armées.
« Le bilan de l'Amérique dans la reconstruction de
nation » (America's Record on Nation
Building in New York Times /
États-Unis). James Dobbins est directeur de
la Rand Corporation et il a été le
récent envoyé spécial de l'administration Bush en Afghanistan et il avait supervisé
auparavant les opérations de maintien de la paix au Kosovo, en Bosnie, en Haïti et en
Somalie. Seth G. Jones est membre de la Rand Corporation. Il s'exprime: "Washington a
fait de lourdes dépenses dans le domaine militaire. Les États-Unis ont pu constater que le retour sur investissement avait été excellent.
Malheureusement, l'Amérique a bien moins progressé dans le domaine de la reconstruction
des États sortant de la dictature ou de la guerre.
Les réussites dans le domaine de la reconstruction qu'ont été l'Allemagne et le Japon
après la Seconde Guerre mondiale semblent lointaines quand on voit le Kosovo et la
Bosnie, même s'il est trop tôt pour pouvoir analyser les résultats en Irak et en
Afghanistan. La reconstruction nécessite de l'improvisation, mais certains éléments
comme l'effondrement des forces de police et l'émergence de groupes extrémistes sont
prévisibles, d'autant que les États-Unis y ont souvent été confrontés. En tant que
première puissance mondiale, les États-Unis ont le devoir de participer aux
reconstructions des nations. Plus encore, ils ont le devoir de bien le faire. "
« L'Irak a besoin d'aide pour mettre fin à sa
dépendance pétrolière »! (Iraq
needs help kicking the oil addiction in International
Herald Tribune / États-Unis) . Stanley A. Weiss est fondateur et président de Business Executives for National Security
Il est également membre du Rand's Center for Middle East Public
Policy et du Council on Foreign
Relations. Il est ancien président d'American Premier, une entreprise minière et
chimique américaine. Il s'exprime: " Les déclarations des responsables de
l'administration Bush affirmant que le pétrole irakien est un atout pour la
reconstruction du pays sonnent étrangement quand on voit le grand nombre d'États
disposant de ressources pétrolières importantes mais affrontant des conditions
économiques déplorables. Le pétrole, comme la drogue, fait oublier les problèmes du
lendemain. Il attire toutes les ressources de l'économie nationale à lui, laissant des
pans entiers de l'économie dans une situation difficile. En outre, les richesses
immédiates qu'entraînent les exportations de pétrole détournent les gouvernements des
prises de décisions délicates dans le domaine économique comme dans celui des réformes
politiques. Ainsi, sur les dix premiers exportateurs de pétrole, seule la Norvège est
une démocratie, et c'est sans doute parce qu'el le en était une depuis longtemps avant
de découvrir ses ressources pétrolières dans les années 60. En Irak, il faudra
donc utiliser les ressources pétrolières pour reconstruire la pays, mais il faudra
éviter certaines dérives en prenant différentes mesures. Dans
un premier temps, il faudra que le gouvernement irakien n'ait pas en charge les affaires
pétrolières afin d'éviter la corruption. Puis, une fois qu'il sera solide et bien
installé, il aura un pouvoir limité sur cette industrie. Il faudra, en
outre, s'assurer que le pétrole bénéficie à la population en investissant massivement
dans l'éducation et la santé. Enfin, il faudra diversifier l'économie en développant
le secteur industriel irakien. En agissant ainsi, on peut apporter la paix et la
stabilité dans la région en faisant converger les intérêts économiques des États,
notamment avec Israël. Pour cela, il faut un nouveau plan
Marshall. Ce sera difficile, mais il faut utiliser les ressources
pétrolières de l'Irak pour en faire le premier pays pétrolier à devenir une
démocratie.
« Cesser de chasser les scientifiques irakiens et
commencer à les recruter » (Stop
Hunting Iraqi Scientists and Start Recruiting Them in Los Angeles Times / États-Unis) . Jon B. Wolfsthal est
directeur adjoint du Carnegie Nonproliferation Project du Carnegie Endowment for International Peace. Il est
co-auteur de Deadly Arsenals : Tracking Weapons of Mass Destruction.
Il est ancien membre du département à
l'Énergie états-unien où il était responsable des politiques de
non-prolifération. Il a travaillé comme spécialiste sur le complexe nucléaire
nord-coréen de Yongbyon. Il précsie: " Que Saddam Hussein ait eu ou non des armes
de destruction massive, il est sûr qu'il disposait des scientifiques pouvant en
concevoir. Or, la plupart d'entre eux sont encore en Irak, mais se cachent ou sont en
fuite et les forces états-uniennes peinent à les trouver. Les États-Unis continuent de
les traiter comme des criminels de guerre, mais ils n'ont pas réussi à tous les
identifier.
Certains de ces scientifiques savent où se trouvent les armes de destruction massive ou,
si elles n'existent pas, le matériel permettant d'en produire. Ils pourraient donc vendre
ces armes ou ces produits ou bien les utiliser contre les États-Unis. Face à ce danger
potentiel, nous devons appliquer la même politique qu'avec
l'URSS lors de son effondrement. Il faut offrir une amnistie à la grande majorité de ces
scientifiques, en excluant toutefois ceux qui ont participé directement
à l'utilisation des gaz contre les Iraniens et les Kurdes, et mettre en place des
structures permettant leur réinsertion dans la recherche civile.
Transmis par Reseau Voltaire. |