La Fédération de Russie vient de préciser son projet de négocier ses
contrats pétroliers en euros plutôt qu'en dollars. L'enjeu est de taille : par cet
acte, Vladimir V. Poutine est en voie de rétablir l'indépendance économique de son pays
et donc, de défier à nouveau les États-Unis.
La Fédération de Russie a déjà réussi à rembourser par anticipation
les dettes de la Russie au FMI et a annoncé, le 6 octobre à l'occasion du voyage du 1er
ministre français à Moscou, Jean-Pierre Raffarin, qu'il rembourserait également par
anticipation avant la fin de l'année les 41 milliards de dollars dus au Club de Paris.
Puis, à l'occasion de la visite de Gerhard Schröder, Vladimir Poutine a
annoncé que l'État russe entendait reprendre le contrôle des ressources nationales de
gaz et de pétrole et envisageait d'organiser ce marché en euros.
Ce projet a suscité la plus vive inquiétude à Washington qui a alors
actionné les oligarques. En premier lieu Mikhail Khodorkovsky, le patron de Yukos,
conseillé par Henry Kissinger et Condoleezza Rice, a publiquement menacé le Kremlin. Le
Premier ministre a alors tenté de calmer le jeu et une proposition médiane inspirée par
l'oligarque Mikhail Fridman (Alfa Group) dont il est proche a été présenté.
Quoi qu'il en soit, la question est devenue vitale pour Washington. En effet, depuis deux
ans, la Malaisie a signé une série d'accords bilatéraux avec ses voisins pour régler
ses échanges en or et non plus en dollars.
Fort de cette expérience, le Dr. Mohammad Mahatir a conclu qu'il
suffirait d'étendre ce système aux 57 États membres de la Conférence islamique pour
mettre à genoux le géant états-unien. Jusqu'à présent un tel projet se heurtait à
l'opposition farouche de l'Arabie saoudite, mais le refroidissement des relations entre
Washington et Riyad a conduit le prince Abdallah à changer de politique. S'appuyant sur
ce soutien inattendu, la Malaisie a convaincu la Banque islamique de développement qu'il
était possible de vaincre l'Empire américain en provoquant un choc monétaire comparable
au choc pétrolier de 1974.
La question a été longuement débattue au sommet islamique que le Dr
Mahatir présidait précisément en Malaisie. Il a été convenu que tous les États
membres multiplieraient les accords bilatéraux d'échange-or et que, lors du prochain
sommet au Sénégal, ils institueraient ce système dit « Gold-based Trade Payment
Arrangements (GTPA) » au plan multilatéral.
Vladimir Poutine, qui assistait au sommet en qualité d'observateur, car la Fédération
de Russie est largement peuplée de musulmans, a poussé en coulisse à l'abandon du
dollar sur le marché du pétrole. La mise en uvre de ces projets demandera des
mois, peut-être des années, mais l'orientation est prise et l'issue prévisible.
Rappelons pour mémoire que, en Irak, Saddam Hussein avait décidé que
les paiements du pays se feraient en euros et non plus en dollars au grand dam des
Etats-Unis. C'étaient quelques mois avant l'intervention militaire américaine.
transmis par ReseauVoltaire
dernière minute:
Les forces spéciales du FSB ont arrêté et incarcéré Mikhail Khodorkovsky,
première fortune de Russie. Si l'événement a été présenté comme une surprise par
les agences de presse, ce n'est était pas une pour nos lecteurs que nous avions informé
trois jours plus tôt ici-même du drame qui se nouait. Contrairement à ce qu'indiquent
la plupart de nos confrères, le kremlin ne s'inquiétait pas d'un financement de partis
d'opposition aux prochaines élections locales, mais d'un complot ourdi par Khodorkovsky
avec Kissinger et Rice. Surtout, Vladimir V. Poutine entend reprendre le contrôle
étatique des richesses pétrolières de son pays. Ce coup de force a semé la panique sur
les marchés boursiers : les valeurs russes ont perdu 10% en une journée et la fuite
des capitaux s'est intensifiée.
Bruce P. Jackson, représentant du lobby militaro-industriel états-unien, dénonce la
fin du libéralisme en Russie dans le Washington Post. Pour
discréditer la politique d'indépendance nationale du Kremlin, il souligne que les
fortunes confisquées de facto par Poutine sont la propriété
d'oligarques juifs. Cette politique serait donc antisémite par atavisme. Il ne
s'interroge évidemment pas sur la question de savoir de quelle légitimité disposaient
les oligarques et qui les avait choisis
La recomposition économique et financière en cours inquiète également Sir David
Howell. Dans le Japan Times, il dénonce le projet de Poutine de
convertir le marché du pétrole russe en euro au détriment du dollar. Il brandit le
spectre d'une déstabilisation de l'économie européenne par surévaluation de l'euro,
tout en reconnaissant contradictoirement le caractère illusoire du dollar.
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