John Major vend la mèche dans le Daily Telegraph.
L'ancien Premier ministre britannique, qui travaille aujourd'hui pour la société de gestion de fortune commune aux Bush et aux Ben Laden,
révèle qu'il n'est pas question d'organiser des élections dans l'Irak
« libéré ». En effet, il ne fait guère de doutes qu'elles porteraient au
pouvoir un gouvernement chiite, qui ne manquerait pas de faire alliance avec l'Iran et
pourrait alors dominer le Golfe. Cet aveu est d'autant plus important que George W. Bush a
annoncé, lors du discours sur « l'Axe du Mal », que l'Iran serait la
prochaine cible de Washington. Une nouvelle lecture de la politique états-unienne en Irak
depuis deux décennies est alors possible : en 1980, l'administration Carter poussa
Saddam Hussein à attaquer l'Iran. En 1991, l'administration Bush père poussa les chiites
irakiens à se soulever, puis aida Saddam Hussein à les réprimer. En 2003,
l'administration Bush fils pousse les chiites à mourir au combat pour renverser Saddam
Hussein, mais entend les priver de démocratie pour les maintenir à l'écart du pouvoir.
À quelques jours du début de la guerre, les experts militaires se font étrangement
bavards au point que l'on se demande s'ils présentent des analyses ou s'ils cherchent à
se rassurer. William M. Arkin prétend, dans le Los Angeles Times,
que le retard imposé par la diplomatie est bénéfique aux stratèges. Ceux-ci auraient
eu le temps de trouver des alliés parmi les pays arabes et d'adapter leurs plans
d'attaque. Edward Luttwak, quant à lui, garantit dans The Times que
les États-Unis l'emporteront rapidement grâce au concept Shock and Awe.
Après des bombardements massifs, ils mèneront une triple offensive éclair : ils
prendront Bagdad depuis le Koweït, ils s'empareront de Bassora pour intimider les
Iraniens, et ils envahiront le Kurdist an avec les Turcs. Les troupes de Saddam Hussein, y
compris la Garde nationale, capituleront devant ce déluge de fer et de feu, de sorte
qu'il n'y aura pas de bataille urbaine à Bagdad.
Le débat sur la guerre s'accompagne d'un débat sur l'attitude de la France. Dans le Washington Times, le colonel Oliver North stigmatise la politique
« anti-américaine » de Paris. Mais ses imprécations ne sont rien comparées
à celles d'André Glucksman dans l'International Herald Tribune.
L'essayiste, qui s'était fait connaître par ses ouvrages anti-communistes, accuse la
France de démolir l'Europe atlantique, de conclure une alliance immorale avec la Russie,
de s'appuyer démagogiquement sur les manifestations de rue pour contrer les dirigeants
démocratiquement élus, d'être impuissant face aux enjeux, et de refuser de reconnaître
les réalités. À l'inverse, Dominique de Villepin répond aux détracteurs de la France
dans Le Figaro. Il souligne que Paris ne cherche pas querelle à
Washington, mais s'oppose à une organisation unipolaire du monde ; un euphémisme
pour désigner la politique impériale du clan Bush. Dans la même logique, mais sans les
réserves qui s'imposent à un diplomate, Régis Debray explique le différent culturel
franco-états-unien aux lecteurs du New York Times. Pour lui, la
vieille Europe a appris à penser dans le long terme en faisant abstraction des préjugés
religieux, tandis que les États-Unis improvisent en fonction de leurs croyances face à
un monde dont ils ne perçoivent pas la complexité.
Enfin, l'ancien sous-secrétaire d'État Richard C. Hoolbroke regrette dans le Washington Post que l'administration Bush ait négligé le leadership
politique et moral du monde pour ne développer que le langage de la force. Il témoigne
de la manière dont l'administration Clinton réussit à bombarder pendant
soixante-dix-sept jours la Serbie, sans mandat de l'ONU, sans soulever de protestations de
la communauté internationale. Il en conclut que le problème n'est pas de savoir si les
États-Unis peuvent ou non mener une politique impériale, mais qu'ils ne peuvent la faire
admettre qu'en respectant un multilatéralisme formel. |